La tomate de Béziers :
La vedette de la... balance !!!

La TOMATE ?... Qui est-elle ???

Commençons par tordre le coup à une interrogation qui circule de façon récurrente dans tous les milieux et sur tous les supports :
« La tomate est-elle un fruit ou un légume ? »
Loin de moi l’intention d’être offensant envers les personnes qui la posent mais j’ai envie de répondre que cette question n’a pas de sens dans la mesure où les deux mots ne courent pas dans la même catégorie :
- Si on est dans la cuisine, domaine culinaire, la tomate est traitée en tant que légume *, au même titre que la carotte, la pomme de terre, le poireau…
- Dans le jardin, domaine botanique, la plante-tomate est un végétal qui pousse, fleurit et donne des fruits, appelés tomates au même titre que les fleurs de cerisier donnent des fruits appelés cerises ou le pommier, des pommes… Le terme "légume * " n’existe pas en botanique.
On pourrait d’ailleurs poser la même question à propos de l’artichaut :
« L’artichaut est-il une fleur ou un légume * ? »… La réponse serait identique.
Finalement, j’ai trouvé sur la toile un compromis qui met tout le monde d’accord et qui me plait bien :
La TOMATE : Le fruit, roi des légumes !!!



Alors notre tomate ?... Qui est-elle exactement ???...

* "légume" : ne pas confondre avec le mot "légumineuses". Les légumineuses (aussi appelées en latin : Papilionaceae ou Fabaceae) constituent une très importante famille botanique (au même titre que les Solanaceae) dans laquelle on trouve le haricot, le trèfle, le genet, l’acacia, le mimosa………

En gros et pour faire court, dans la systématique végétale, le règne Plantae se divise en 2 embranchements : Les Phanérogames (noces visibles) aussi appelées Spermatophytes et les Cryptogames (noces cachées). Les Phanérogames se divisent en 2 sous-embranchements :
- Les Gymnospermes (graines à nu) chez qui on trouve, par exemple, le sapin…
- Les Angiospermes (plantes à fleurs) chez qui on trouve, devinez qui (?),…...

La tomate – Solanum lycopersicum – est une plante herbacée qui se classe dans la famille des Solanaceae C’est une famille botanique présente sur tous les continents mais principalement en Amérique du Sud. Elle compte, outre la tomate, de très nombreuses espèces à l’état sauvage ou cultivées : Brugmansia - Datura - Tabac - Physalis - Pomme de terre - Pétunia - Belladone - Mandragore - Jusquiame - Morelle - Aubergine - Poivron - Coqueret - Nicandra……………..
Parmi les Angiospermes, la tomate se situe dans la classe des Dicotyledonae, c’est à dire les plantes dont l’embryon qui se trouve dans la graine compte deux cotylédons **.


Au moment de la germination, ils sont les premiers éléments qui apparaissent hors du substrat. Ils forment ce qu’on appelle les "feuilles cotylédonaires" (ou séminales)… mais ce ne sont pas des vraies feuilles. Elles contiennent des réserves nutritionnelles qui vont nourrir la jeune plantule avant que les vraies feuilles soient en mesure d’assurer la photosynthèse ***.








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Les feuilles de tomate sont des feuilles composées alternes. Elles sont couvertes de poils dont certains contiennent des huiles essentielles qui leur confèrent cette odeur très caractéristique assez désagréable dès qu’on les… chahute un peu mais qui, heureusement, ne se retrouve pas dans les saveurs du fruit.
A l’aisselle de chaque feuille, on trouve des bourgeons axillaires qui donneront naissance aux drageons (ou tiges secondaires)… les fameux "gourmands".

** Les cotylédons correspondent aux deux lobes charnus que l’on trouve dans un grain de haricot. Dans la classe des Monocotyledonae, on trouve la datte, le blé.....

*** La photosynthèse – appelée aussi assimilation chlorophyllienne – est le processus biochimique, très complexe, qui permet aux végétaux de se nourrir et de croître. De façon très schématique, on peut le résumer ainsi :
Les racines puisent dans le sol de l’eau et des sels minéraux. Cette sève brute (ascendante) est acheminée jusqu’aux feuilles. Les feuilles absorbent aussi le CO2 de l’atmosphère. Sous l’action du soleil, elles combinent tout cela pour fabriquer des nutriments (glucides) assimilables. C’est cette sève élaborée (descendante) qui alimente la plante. L'oxygène du CO2 est rejeté dans l'atmosphère.

Les feuilles cotylédonaires (à gauche) assurent la vie de la jeune plantule
avant que les premières vraies feuilles (à droite) prennent le relais.
*

Ceci et une feuille !
composée de très nombreuses folioles

Les bouquets de fleurs s’implantent sur la tige entre les feuilles. Dans le jargon botanique, ce type d’inflorescence s’appelle une cyme.
Dans le même jargon, on dit que la structure de la fleur est à symétrie radiale pentamère * – Calice : 5 sépales - Corolle : 5 pétales - Androcée : 5 étamines –.








Pour la suite, et pour simplifier mon propos, j’ai pensé à ce vieil adage, que nous devons à un célèbre Corse de notre histoire : « Un bon croquis vaut mieux qu’un long discours »… Et en plus, pour le prix d’un,… vous en aurez deux. Alors !!!...

* Pentamère : qui s’ordonne en 5 parties. Mais la tomate est parfois capricieuse (!) et ne respecte pas toujours le "penta". Parmi les innombrables cultivars qui existent, il n’est pas rare de trouver des fleurs dont le nombre de pétales excède 5.
Il y a même parfois, chez certaines espèces, des… "bugs" (!) importants qui produisent des fleurs monstrueuses – Ces aberrations s’apparentent aux fasciations (ou cristations), qu’on rencontre dans certaines familles botaniques, comme les Cactaceae –.
Ces fleurs difformes engendrent évidemment des fruits difformes qui feraient mauvais effet sur l’étale des marchands mais jouent les curiosités sur la table familiale.
Généralement, ces malformations n'affectent que la première fleur de la cyme...
( Photos ci-contre)

Il est temps maintenant de s’aventurer dans la sexualité !!!... Et pas besoin de "carré blanc"... Tout le monde peut lire et regarder.
Dans le règne animal, les organes génitaux sont généralement peu visibles – pas facile de distinguer, sur la gouttière, un chat d’une chatte ! –. Quant à Homo-sapiens !… depuis l’invention de la feuille de vigne, tout est scrupuleusement caché et tout est objet de discrétion, de pudeur, de tabous, d’interdits, d’éthique…

Chez les Angiospermes du règne végétal, c’est une toute autre histoire puisque la… "chose" se situe au niveau de ce qui se voit le plus...les fleurs.
Tous les ébats érotiques se déroulent au grand jour et, le plus souvent, dans un exhibitionnisme insolent. Quoi de plus ostensible, en effet, qu’un prunus rutilant au printemps, un champ de coquelicots de nos campagnes, un massif urbain somptueusement fleuri ?
Et qui s’offusque de savoir qu’il s’agit, en fait, de vastes… lupanars à ciel ouvert où s’active une foultitude… d’entremetteurs (z)ailés (!) qui tirent grands profits de leur... "business" ? – Leur... butin (!) quoi !!! –.

Mais, rien n’étant simple dans la nature, il y a quand même des complications :
La fleur de la tomate, comme le montrent les croquis ci-dessus et comme c’est le cas pour 90% des fleurs, sont hermaphrodites *. C'est-à-dire que chacune porte en elle, à la fois les attributs , le Gynécée (ovaire, pistil, ovules) et les attributs , l’Androcée (étamines, pollen).







Toute fois, le plus souvent, c’est la "fécondation croisée" – Allogamie – qui est pratiquée C'est à dire que le pollen d’une fleur accomplit son… œuvre sur les stigmates du pistil d’une autre fleur. Et c’est là qu’interviennent les fameux entremetteurs...zélés (!) – le plus souvent, les abeilles – qui assurent le transport… non sans prélever au passage le précieux nectar attendu dans la ruche. C‘est donnant… donnant !
Pour la tomate, qui ne fait rien comme les autres (!), c’est différent. Elle pratique l’auto-fécondationAutogamie –. C’est son propre pollen qui se pose sur ses propres stigmates. Est-ce à dire qu’elle est cap' de « faire un bébé toute seule » ? – Pas vraiment… Elle a besoin d’un petit… coup de pouce !!!......

* Plante hermaphrodite – ce mot est emprunté à la mythologie grecque – : chaque fleur est morphologiquement mâle et femelle. C’est le cas de 90% des fleurs des angiospermes (dont la tomate). Il y a donc d’autres cas de figure :
- Plante monoïque : chaque plante porte des fleurs mâles distinctes des fleurs femelles. C’est le cas chez les cucurbitacées (courge, concombre, melon…), le noisetier…
- Plante dioïque : chaque plante ne porte que des fleurs exclusivement mâles ou des fleurs exclusivement femelles. C’est le cas chez le ginkgo, l’actinidia (kiwi), le peuplier…

Une cyme en début de floraison.
("Black-Cherry")

Symétrie radiale pentamère.
(distribution normale)

Ici, on compte déjà 6 pétales...
mais cela peut être plus.....

... La preuve par 9 !!!...
9 sépales - 9 pétales - 9 étamines

Anarchie complète pour tous les éléments de la fleur !
On perçoit le(s) pistil(s) au centre.

* Fourreau formé par les étamines.
Il protège la fleur de toute fécondation croisée qui nuirait à la pureté des tomates (risque d’obtenir des F1 indésirables).

* Il arrive que le pistil montre le … bout de ses stigmates. Le risque de fécondation croisée existe mais il est peu probable. A ce stade de développement, l’autofécondation est déjà réalisée.

Un coup de pouce ! – Les abeilles ?... Que nenni !!!...
On ne voit pratiquement jamais d’abeilles sur les fleurs de tomates… pour une raison toute simple, ces fleurs ne contiennent aucun nectar…
– Pas folle la… guêpe !!!!!

Le pistil est dissimulé à l’intérieur d’un fourreau formé par les étamines soudées *. La déhiscence des étamines, qui permet la libération du pollen, se fait vers l’intérieur de ce cône protecteur *. Encore faut-il que les grains de pollen veuillent bien sortir… mais ils ne le font pas spontanément. Il faut une action mécanique qui les expulse. Ils tombent alors sur les stigmates du pistil et accomplissent ainsi leur mission d'autofécondation.
Ce sont des cousins hyménoptères des abeilles qui se chargent de ce coup de pouce… les bourdons (Bombus terrestris est le plus commun).
Les bourdons… mais comment ? – Patience… vous saurez tout !...

Une vidéo circule sur la toile où on voit un célèbre animateur de télévision qui fait un excellent reportage dans une immense serre professionnelle de culture de tomates. A un moment donné, il se présente devant une boîte, ouvre une trappe pour libérer les occupants en disant : « Ceci est une ruche, elle est pleine de bourdons….. Ils sont là pour travailler et chargés d’aller polliniser les fleurs de tomates. Allez… au boulot !..... » Jusque là... tout est bon !
Mais il poursuit : « … En butinant de fleur en fleur, le bourdon se couvre de pollen qu’il a récupéré sur les étamines….. En passant sur une autre fleur, il va déposer le pollen sur le pistil qui se trouve au centre de la fleur….. ». Alors là… il a tout faux !!! « Errare humanum est… » !..

Le bourdon ne dépose rien du tout sur le pistil d’une autre fleur. Ce pistil n’est pas accessible puisqu’il est enfermé dans le cône des étamines soudées *.
A l’aide de ses mandibules, le bourdon s’accroche au cône d’étamines et active son système vibratoire. Sous l’effet des vibrations, le pollen est expulsé des étamines. Il s’échappe par le trou du cône et s’agglutine en pelote sur les pattes postérieures de la bête. Cette précieuse manne... chapardée ira nourrir les larves dans la ruche. Mais au passage, les stigmates du pistil auront retenu quelques grains de pollen !... Bien joué !... Et chacun y trouve son compte !
L’autopollinisation de la fleur de tomate est faite !!!.

« Le "vol" du bourdon » !

Photos : Jean-Gaël ARTAUX

J'approche !...

Je m'accroche !...

Je vibre !...

Le grain de pollen retenu sur les stigmates du pistil s’humidifie gonfle et germe : il développe un long tube appelé tube pollinique qui traverse tout le style du pistil pour atteindre l’ovaire (qui n 'est autre que la future tomate) et acheminer les gamètes ♂ haploïdes (n chromosomes) à la rencontre des gamètes ♀ haploïdes (n chromosomes).
De cet union naîtront les graines diploïdes (2n chromosomes) **.

La fleur est fécondée, les pétales et le pistil tombent. Les sépales restent en place. L’ovaire se développe et prend de la couleur. Une tomate est née…
Il reste deux choses à faire :
– Faire passer ce magnifique fruit, roi des légumes, à l’épreuve des papilles !!!
– Récolter les graines pour les semis de l’année prochaine !!!

Allez... Au boulot !!!.....

** HaploïdeDiploïde : Ces notions de génétique sont expliquées à la page "Hybridations"

Tomate rouge cliquée !
Tomates vertes cliquables !

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