Ananas noire :
Une tomate d'exception

Mes obtentions

Création d'une* nouvelle tomate.

J’ai un peu la génétique dans mes… gènes – si j’ose dire ! –. Ayant constitué une belle collection de tomates, toutes plus originales et savoureuses les unes que les autres, il était inéluctable, qu’un jour ou l’autre, le virus de l’expérimentation matrimoniale m’atteignît.

Le principe de l’hybridation est simple. Il s’agit de féconder les gamètes ♀ d’un individu d’une variété (ou espèce) par les gamètes ♂ d’un individu d’une autre variété (ou espèce) afin de créer un individu nouveau qui intègre certains caractères spécifiques de ses géniteurs.
En gros – si on s’autorisait un raccourci vraiment très… raccourci (!) –, il s’agirait de "marier", par exemple, un très beau papa (venu d’ailleurs) avec une maman très bonne pour obtenir un bébé très... beau et très... bon !!!!!...
Serait-ce de l'eugénisme ???... (CF en fin de page)

Dans la pratique, tout n’est pas aussi simple. J’ai réalisé des hybridations sur les oiseaux… (eux, ils se débrouillent seuls !!!). J’en ai fait beaucoup sur les brugmansias où les choses sont relativement faciles, les fleurs n’étant pas autofécondes. Chez les tomates c’est beaucoup plus compliqué à cause de l’autopollinisation des fleurs (CF : page Botanique). Il faut bloquer ce processus avant d’apporter le pollen du "très beau papa" de substitution.

C'est en en 2010 que j’ai entrepris de nombreux croisements….. Un seul a réussi !!!!!... Dommage ?... Non si je mesure le gros travail de sélection qui a suivi pendant plusieurs années pour obtenir un* cultivar fixé.
Tout ceci a été consigné dans une plaquette-papier pour expliquer la démarche et raconter l'histoire…




























Cette plaquette couvre la période 2010/2016. Elle s’est enrichie, chaque année, de petits "papillons" d’actualisation. Cette accumulation d’addenda a rendu ce document un peu confus.
Cette page reprend toutes les informations de la plaquette en y mettant de l’ordre et en apportant des précisions.

* Au moment de l’hybridation, en 2010, c’est bien UNE nouvelle tomate qui était attendue. Au fil des sélections, c’est finalement TROIS cultivars qui ont été retenus et considérés comme fixés à ±90% dès 2015, c'est à dire à la génération F5... Mais la sélection s'est poursuivie au-delà...

* Gregor MENDEL
(1822 - 1884)

* Thomas MORGAN
(1886 - 1945)

Il n’est pas question de proposer ici un cours de génétique. Ce n’est pas le sujet de ce site. De plus, je n’ai ni la légitimité ni les compétences requises pour me le permettre. Mais pour comprendre la suite, il est utile de tenter d'éclaircir un certain nombre de notions.
La génétique est une science d’une extrême complexité et il est très difficile de l’expliquer dans la simplicité sans prendre le risque de la dénaturer par une schématisation excessive. Je vais essayer de faire de mon mieux dans cet exercice de vulgarisation, pour informer les non-initiés, tout en sollicitant l’indulgence des spécialistes.

mmUn peu d'histoire : Deux noms sont étroitement liés à l’histoire de la génétique :

- Gregor MENDEL* moine austro-hongrois. Il a conduit ses recherches en croisant des petits pois (des ridés, des lisses - à fleurs rouges, à fleurs blanches…..) semés dans les jardins de son monastère de Brno. Ses expériences lui ont permis d’étudier la façon dont se transmettent les caractères, portés par les gènes, d’une génération à l’autre.
Les Lois de Mendel relatives à l’hérédité sont toujours d’actualité.

- Thomas MORGAN * biologiste américain, prix Nobel en 1933. Il a rendu célèbre un petit moucheron "insignifiant" mais que nous connaissons bien tant il pullule sur les corbeilles de fruits avancés de nos maisons… la fameuse mouche du vinaigre ou drosophile (pour les scientifiques : Drosophila melanogaster) **

** La drosophile constitue, pour les généticiens, un remarquable organisme modèle de laboratoire et ce, pour de nombreuses raisons : des similitudes génétiques avec l’espèce humaine, facilité d’élevage rapide et peu onéreux….. mais surtout un génome réduit à 4 paires de chromosomes (dont une paire X/Y).

mmLa cellule :
Tous les êtres vivants, du règne animal ou du règne végétal, sont constitués de cellules. Quelque fois la cellule est unique comme chez l’amibe ou la bactérie. Mais le plus souvent, elles sont assemblées pour former les divers tissus constitutifs et fonctionnels propres à chaque espèce comme la peau, le muscle… chez nous ; comme la feuille, la pulpe… chez la tomate.

Une cellule se compose d’une enveloppe : la membrane plasmique. Elle contient un cytoplasme aqueux dans lequel se trouvent de nombreux organites dont le noyau… Et c’est dans ce noyau que se… nichent les fameux chromosomes*** (Ils ne sont visibles qu'en période de division cellulaire).
mm - Dans les cellules somatiques, ils sont toujours distribués par paire. De ce fait, chaque cellule est dite diploïde (2n chrom.).
mm - Dans les cellules reproductrices, après la méiose (CF ci-après), les paires de chromosomes sont dissociées et chaque gamète (♂ ou ♀) ne reçoit que la moitié du patrimoine génétique. Il est dit haploïde (n chrom.).
mm - Au moment de la fécondation – fusion de 2 gamètes haploïdes (♂ et ♀) – se reconstituent des cellules diploïdes intégrant, dans leur génotype****, tous les caractères hérités du papa et de la maman… Et le tour est joué !!!...






mmLes chromosomes :
La constitution biochimique d’un chromosome est essentiellement l’Acide DésoxyriboNucléique (!?) plus connu sous l’appellation ADN, acronyme certes moins explicite mais beaucoup plus… "digeste" !
Cet ADN est composé de 4 éléments biochimiques (les nucléotides) : l’Adénine, la Thymine , la Guanine , la Cytosine , repérés par les symboles A, T, G, C.

mmLes gènes / Les allèles :
Un gène n’est autre qu’un infime fragment d’ADN qui porte une information génétique (par exemple : la couleur) codée par une longue alternance des nucléotides A T G C, un peu comme une information numérique est codée par une longue alternance de 0 et de 1.

Chaque gène est responsable d’un trait particulier (p. e. couleur) d’un individu. Il existe en deux copies associées sur la paire de chromosomes homologues – une sur le chromosome paternel, l’autre sur le chromosome maternel –. Ces deux copies associées présentent souvent des différences. Chaque version d’un même gène est appelé un allèle. Mais chaque allèle n’a pas forcément le même pouvoir. Il existe des allèles dominants et des allèles récessifs.

mm - Un allèle est dit dominant si le code qu’il porte s’exprime dans le phénotype **** d’un individu même s’il n’est présent que sur un seul des deux chromosomes homologues. Il occulte l’expression portée par l’autre allèle présent sur l’autre chromosome. Cet allèle occulté est dit récessif.
mm - Un allèle récessif ne peut s’exprimer dans le phénotype **** d’un individu que s’il est présent sur les deux chromosomes homologues

*** Le nombre de chromosomes est spécifique de chaque espèce.
- Le génome humain compte 23 paires de chromosomes : 2n = 46.
- La drosophile compte 4 paires de chromosomes : 2n = 8.
- Et pour notre tomate, 12 paires de chromosomes : 2n = 24.
Le séquençage du génome de la tomate a été réparti entre 14 instances scientifiques internationales.
La France a été chargée de décrypter la paire N°7. Ce séquençage a été achevé en 2012.

**** - Le Génotype est l’ensemble des caractères d’un organisme vivant qui sont codés dans son ADN… même s’ils ne sont pas forcément apparents dans son aspect extérieur (phénotype).
mmm- Le Phénotype est l’ensemble des caractères d’un organisme vivant observables dans son aspect extérieur.
Petit raccourci : Génotype = tout ce qui est codé – Phénotype = tout ce qui se voit. (CF ci-contre).

mmmmmmmmmmmmLes divisions cellulaires :
Il existe deux types de division cellulaire : la MITOSE et la MÉIOSE.

Une cellule-mère diploïde

Deux cellules-filles diploïdes

MITOSE

La Mitose concerne la multiplication des cellules somatiques… celles qui constituent le phénotype. Elles sont diploïdes et contiennent donc la totalité du patrimoine génétique (2n chrom.).
Cette division cellulaire se déroule en plusieurs phases dont une au cours de laquelle se produit une duplication des paires de chromosomes.
Finalement chaque élément de la cellule-mère diploïde se scinde en deux et génère ainsi deux cellules-filles diploïdes génétiquement identiques (2n chrom.).

Une cellule-mère diploïde

Quatre cellules-filles haploïdes

MÉIOSE

La Méiose n’intervient que pour générer des cellules sexuelles, les gamètes (♂ ou ♀). Ces cellules-filles sont haploïdes et ne contiennent donc que la moitié du patrimoine génétique. (n chrom.).
Cette division cellulaire se déroule aussi en plusieurs phases (dont une mitose). Une de ces phases est dite réductionnelle car elle voit les paires de chromosomes se séparer et migrer.
Finalement une cellule-mère diploïde génère quatre cellules-filles haploïdes génétiquement différentes (n chrom.).

mmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmmm REMARQUE :
J’ai bien conscience de vous avoir ennuyés avec ce chapitre un peu (!) abscons et, pour le moins, rébarbatif !
Alors pourquoi l’avoir fait ???
- Pour satisfaire mon goût personnel pour la génétique… vieilles nostalgies du Lycée et de la Fac. !
- Pour satisfaire – peut-être – la curiosité de ceux que le sujet intéresse et qui ont envie de comprendre…
Mais, rassurez-vous, tout cela n’est pas indispensable pour cultiver de belles tomates ni pour oser s’aventurer dans des expériences d’hybridation.

* Sur la couverture
de la plaquette-papier
(réduit)

L’aventure commence donc en 2010. L’aventure… le mot n’est pas trop fort, tant l’opération fut chargée d’incertitudes, d’espoirs, de patience, d’attentes, de déceptions,… mais aussi de grande satisfaction quand… ça marche !!! C’est une bonne quinzaine de croisements qui ont été tentés. Un seul a réussi !!!!! Pourquoi tant d’échecs ?... je n’ai pas vraiment d’explications rationnelles :
- Peut-être, des incompatibilités… "d’humeur" (!) entre les géniteurs choisis (?)…
- Probablement, une inadéquation entre les degrés de maturité des gamètes ♂ et ♀ (?)…
- A coup sûr, l’inexpérience mais aussi les maladresses de l’opérateur de service (!!!)…
mmmmmmUne seule réussite : ♀ BLACK-CHERRY X ♂ COPPIA *


mmmmmmmmmmmm MAIS QUELLE RÉUSSITE !!!...

mmLa pollinisation manuelle :
Voici, en 8 clichés, les différentes étapes de la pollinisation manuelle telle que je la pratique (je ne sais pas comment font les professionnels !). Ce sont des opérations assez difficiles et délicates. Certaines requièrent une grande minutie, tant sont fragiles les éléments manipulés.
Dur, dur le métier… d’entremetteur (!!!!!). Mais quand c’est bien fait… ça rapporte !!!

1 – Il faut intervenir sur la fleur choisie comme ♀ un ou deux jours avant l’ouverture.

2 – Écarter le calice et la corolle. Retirer les pétales. Les sépales peuvent rester.

3 –Castration : retirer le sac pollinique avec précaution pour ne pas endommager le pistil. C'est l'opération la plus délicate.

4 Pistil mis à nu : le style, les stigmates prêts à recevoir le pollen et l’ovaire, la future tomate…........... Si ça marche !!!...

5 – Récolte du pollen : la brosse à dent joue au bourdon pour faire vibrer la fleur choisie comme ♂ qui libère son pollen.

6 – Fécondation : mettre en contact les stigmates du pistil dénudé avec le pollen .

7 – Précaution : emballer le pistil fécondé pour éviter toute autre fécondation accidentelle (peu probable).

8 – En cas de réussite, l’ovaire se développe rapidement pour former une tomate…...................... Ça a marché !!!...

.

* Pied de Black-Cherry. La tomate marquée X est celle qui a subi l’hybridation. Elle ressemble à ses sœurs......enfin, presque ! (?)

mmGénération F1 :
La tomate (X) hybridée en 2010 ressemble à ses sœurs "Black-Cherry"… toutefois, la robe est légèrement altérée et surtout elle ne contient que 4 graines (!)…Il semble assez évident qu’elle a été… perturbée d’avoir été sexuellement violentée !!!!!...

* Les tomates F1 issues du croisement :
♀ BLACK-CHERRY X ♂ COPPIA

Les 4 graines semées en 2011 ont donné 4 pieds portant des tomates toutes identiques…... les bébés F1
Ces nouvelles tomates F1 sont d’une banalité affligeante !!! Comment des parents aussi majestueux que Black-Cherry et Coppia peuvent-ils engendrer des enfants aussi insignifiants ???
Patience, patience !... Et, comme je dis souvent, en guise de clin d'œil, à mes petits enfants : « Rassurez-vous... ça saute une génération » !!!!!!!!!!!!!!!!

* La famille au grand complet !

mmGénération F2 :
Les 4 pieds F1 ont produit de très nombreux fruits en 2011. Seulement une trentaine de graines ont pu être semées en 2012. Et alors là, agréable surprise, nous sommes passés de l’uniformité à la diversité. Certains bébés ont des airs de ressemblance avec leur grand’ mère ou leur grand-père, d’autres ne ressemblent à… personne !
Le temps est venu de faire des choix et d’engager le processus de sélection…

Parmi la diversité des F2 de 2012, voici les six spécimens que j’ai retenus pour continuer l’opération en 2013. Ils ont reçu une identité provisoire codée : A – B – E – H – I – J... pour pouvoir suivre les lignées.
Pour bien faire, avec rigueur, il aurait fallu que toutes les graines F2 fussent semées (même chose pour les F3, F4…) afin que toutes les possibilités génétiques puissent s’exprimer. Ceci était matériellement impossible…
Je suis peut-être passé à côté de quelque chose (???)…
Mais la suite m’a quand même réservé bien des surprises !...

mmGénérations F3 - F4 :
Je vous épargnerai tous les détails de ces deux années de sélection. Sachez seulement que seules les lignées A et H ont vu leur descendance accéder au podium : un bébé issu de la lignée A et deux bébés issus de la lignée H, codés H1 et H2.

Le podium se précise

F3-A : ce phénotype était déjà là en 2012 (F2-A). Les semis de 2013 et 2014 l’ont reproduit avec une bonne progression.
La fixation est en bonne voie... …

Ce phénotype F4-H1 était déjà présent en 2012 (F2-E) mais les semis de 2013 ne l’ont pas reproduit. Il est réapparu dans la lignée H en 2014 (F4) (???).

Ce phénotype F4-H2 n’a été observé qu’à la quatrième génération (F4).Il est certain qu’il était déjà présent dans le génotype des différentes lignées.

mmGénération F5 :
Les graines de ces trois cultivars de génération F4 semées en 2015 ont produit une très forte proportion de tomates F5 présentant un phénotype conforme (±90%). On peut donc considérer la fixation comme assurée !

Cette longue période de cinq années d’expérimentations induites par la curiosité ont été jalonnées de doutes et d’espoirs ; d’échecs et de réussites… mais aussi des joies de la découverte et des imprévus. Obtenir trois tomates différentes à partir d’un unique croisement est ce qui m’a le plus surpris ! Et quelle surprise !!!
Pour les débarrasser de ces affreux codes dont je leur ai affublés, il est grand temps de donner à ces beaux bébés des noms décents en les portant sur les fonds baptismaux…
Vous êtes conviés au baptême, page suivante…

Mais avant de passer à table pour la cérémonie, je vous propose une petite remarque et – histoire de me faire pardonner cette page trop longue et trop austère –… un grand sourire avec la complicité de George Bernard Shaw *.

Pour pratiquer cette hybridation, j’ai choisi les parents parmi les plus prestigieuses tomates de ma collection : Coppia♂… la plus belle et Black-Cherry♀ … la plus savoureuse.
Sélectionner des parents exceptionnels pour obtenir des bébés d’exception, serait-ce de l’EUGÉNISME ? Oui, c’est exactement ça. Mais l’eugénisme appliqué à la botanique ne pose pas de problèmes d’éthique.
Rien à voir donc avec les "Lebensborn" de triste mémoire !!!
Mais cette histoire d'eugénisme me rappelle une anecdote bien savoureuse :

Elle concerne George Bernard Shaw*, le célèbre écrivain et dramaturge Irlandais.
On raconte qu’un jour, G. B. Shaw reçoit une lettre d'une jeune "star" de l'époque qui défrayait la chronique mondaine – aujourd’hui, on dirait "people" – à cause de sa... plastique (!). L’histoire n’a pas retenu son nom car il est vraisemblable, qu’elle en avait plus dans les bonnets… que sous le bonnet !!!...
« Maître,
Vous êtes l'homme le plus intelligent du monde et moi, je suis la plus belle femme du monde. Je vous propose de coucher avec moi. Imaginez quel bébé exceptionnel nous pourrions faire ensemble...
»
G.B. Shaw, qui avait beaucoup d'humour, lui fit cette réponse :
« Je suis très sensible à votre séduisante proposition mais imaginez la catastrophe si, par malheur, ce bébé exceptionnel venait à hériter de mon physique et de votre esprit...» !!!!!

Sur ce bon mot... A table !!!

* George Bernard SHAW
(1856 - 1950)
Prix Nobel en 1925

Tomate rouge cliquée !
Tomates vertes cliquables !

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